Le cas des colles

Petite révolution dans le milieu du tennis de table... Depuis le 1er octobre, les colles avec solvants sont interdites. L'argument santé est mis en avant. Mais la Fédération internationale y tirera un autre avantage..

NANCY. - La décision a été prise il y a un an et demi lors des championnats du monde en Chine. Mais ce n'est que depuis le 1er janvier pour les jeunes, et le 1er octobre pour les seniors qu'elle est effective. Et autant dire que dans le milieu de la petite balle orange, elle fait beaucoup parler. Car mine de rien, l'interdiction des colles à solvants organiques volatils (SOV) bouleverse les habitudes d'une grande partie de pongistes rompus depuis des lustres aux séances de collage régulières des revêtements... Analyse d'une petite révolution dans le milieu de la balle en celluloïd...

Pourquoi ce changement ?

La fédération internationale (ITTF) a mis en avant l'argument santé pour justifier ce changement. Cela se comprend. Passer plusieurs heures par mois à manipuler des colles avec solvant n'est, a priori, pas anodin... « En plus, il arrivait d'utiliser du trichlorétylène avec la colle car cela revenait moins cher. », explique Nicolas Pujol, pongiste au SLUC Nancy (Nationale 1) . « Ce n'était pas génial... ». Alors que quelques cas suspects auraient été rapportés sans toutefois qu'il existe de preuves formelles qu'ils soient dûs à l'utilisation de colles à SOV, la Fédé a donc jugé qu'il était préférable d'adopter un principe de précaution. Louable en soi. Même si cette nouvelle réglementation peut aussi être interprêtée comme une volonté de diminuer la vitesse de la balle et donc de favoriser le spectacle. Après tout, l'ITTF n'en est pas à son ballon d'essai en la matière (voir par ailleurs). Et l'interdiction également des colles rapides sans solvants (les ''boosters'') mises au point par les fabricants pour trouver une parade légale, laisse penser que le débat va au-delà de l'aspect purement santé. Face à de telles mesures, les fabricants pourraient faire la grimace. Mais financièrement, le manque à gagner que représente le prix de la colle (20 à 30 euros par mois pour ceux qui collaient régulièrement) a été compensé par l'augmentation des revêtements à colle intégrée. « Ils sont environ 30% plus cher. », calcule Samuel Mater, patron de ''Sam Sport'', un magasin nancéien spécialisé dans le matériel pongistique. Tout le monde s'y retrouve...Déjà, un gain de temps non négligeable pour les pongistes qui n'ont plus à passer de longues minutes à coller entre chaque match. Mine de rien, ça change la vie...
Mais le changement se voit aussi autour des tables. Certains regrettent une perte de vitesse (« de 15 à 20% » juge le Messin Ludovic Rémy), d'autres peuvent avoir une impression inverse d'autant que les fabricants se montrent extrèmement réactifs. Ce qui est certain, c'est que les sensations sont différentes. « Il y a moins de possibilités avec la main » analyse Thibaut Besozzi, pongiste au TT Neuves-Maisons (N2), « il faut être mieux placé sur la balle, avoir un meilleur contrôle. Il faut davantage jouer ''malin'', en finesse. »


Qu'en pensent les joueurs ?

A « Sam Sport » où on annonce avoir vendu entre 3.500 et 4.000 revêtements en septembre, on est affirmatif. « 95% des gens sont satisfaits. », assure Samuel Mater. Une satisfaction qui s'explique d'abord par la disparition des longues séances de collage.
Mais c'est bien connu, tout changement nécessite un temps d'adaptation. « Il faut faire pas mal d'essais, on perd un peu de temps, c'est assez pénible. », glisse la jeune internationale Laura Perocheau. C'est d'autant plus pénible que la Fédération internationale a décidé d'éditer une nouvelle liste de revêtements autorisés à compter du 15 octobre. Certains pongistes qui avaient trouvé leur bonheur après quelques tâtonnements ont dû reprendre leurs recherches en constatant que le revêtement qu'ils avaient choisi n'était plus autorisé ! Et puis, il y a le ''cas'' des picots longs, c'est à dire les picots sans mousse. L'ITTF a décidé d'en interdire un bon nombre alors même que ce sont plutôt les pongistes occasionnels, de loisir, qui les utilisent. « Ce sont des gars qui viennent jouer comme ça, pour se retrouver entre potes » lâche Samuel Mater, « si on leur interdit d'utiliser ces revêtements, ils iront à la pétanque. Laissons les pongistes jouer ! »...


Anthony GUILLE